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Membre de la génération Y, les millenials, j’ai totalement grandi et construit mon identité avec la culture urbaine. Et ça commence même bien avant ma naissance. Mon père lui même, fan de breakdance écoutait Afrika bombaataa, Grandmaster flash ou encore De la Soul dans les années 80. Des groupes qui savaient exprimer leur créativité parfois avec très peu de matière. Utiliser les système D pour proposer des choses nouvelles et intéressantes.
Ai-je été influencé ? Surement ! Plus jeune j'écoutai planète rap sur skyrock, j’admirai les pochettes d’albums comme IAM l’école du micro d’argent, diam’s, de la soul. J’étais de cette génération MSN qui passait son temps à regarder les clips sur Virgin17 ou Dailymotion. Sans le savoir, je me formais déjà à mon futur métier : nourrie visuellement par Noble Art d’IAM, Without Me d’Eminem, Crazy de Gnarls Barkley ou les univers hybrides de Gorillaz, même si eux penchaient côté rock.
L'influence grandissante de la culture urbaine en général :
Longtemps considérée comme marginale ou trop originale, ou même pointée du doigt. La culture urbaine, dans toutes ses dimensions (hip-hop, graffiti, streetwear, danse, rap, life syle…), est aujourd’hui au cœur des stratégies de communication les plus impactantes. Que ça soit dans la mode, le tech, la pub, le cinéma, les séries ou encore sur les réseaux.
Mode et luxe
● Nike & Adidas : Pionniers dans l'adoption de la street culture pour leur storytelling marketing. D'ailleurs Run-DMC décroche le premier contrat entre un groupe de rap et une marque sportive avec Adidas en 1986 suite au titre "My Adidas".
● Luxe et streetwear : Louis Vuitton collabore avec Supreme en 2017, symbole de la fusion des univers.
● Évolution des relations : Lacoste passe de l'hostilité à la réconciliation avec sa campagne "Lacoste x Banlieues", reconnaissant l'adoption de la marque par la culture urbaine dans les années 90/2000 très présent chez les breakers et le groupe Arsenik.
Technologie
● Apple : intègre des artistes urbains comme Chilla dans ses campagnes "Shot on iPhone X", démocratisant l'esthétique urbaine.
● IBM: En 2001, la campagne "Peace, Love and Linux" s'est soldée par une amende de 100 000 $ à San Francisco après que des graffitis au pochoir, supposés biodégradables, aient persisté dans l'espace urbain. Cet incident illustre les dangers d'une appropriation superficielle des codes de la rue sans en comprendre les implications légales.
Audiovisuel
● Animation: "Spider-Man: Into the Spider-Verse" adopte une direction artistique inspirée du hip-hop et du graffiti.
● Publicité et nostalgie : Fanta utilise le titre "It's Like That" de RUN DMC pour toucher un public jeune tout en activant la nostalgie.
● Évolution des formats : Les battles de rap passent de YouTube (Rap Contenders, 2010) à des productions Netflix comme "Nouvelle École" (2022), gardant l'ADN compétitif tout en gagnant en production.
Médias numériques
● Médias en ligne : Brut et Konbini adoptent les codes du documentaire de rue pour élargir leur audience. En utilisant des formats dynamiques et cut assumés.
● Influence YouTube : De nombreux créateurs français (Mister V, McFly et Carlito, Shera, Guillaume Pley) s'inspirent et adaptant ces codes à l'univers numérique soit dans le choix des musiques qui illustrent soit dans la D.A mais aussi dans le choix des intros proposés.
● Diversification : En Belgique, des radios comme Tarmac (RTBF) étend sa présence sur YouTube et les réseaux sociaux.
Ce n'est pas une mode éphémère qui a surgi soudainement, mais un véritable mouvement culturel, une reconnaissance, bien que tardive, d'une culture trop longtemps marginalisée. Cette culture s'est imposée grâce à la force du talent, à la richesse de ses créations et à sa présence persistante dans le paysage artistique. Son rayonnement actuel doit également beaucoup aux passionnés qui, avec conviction et authenticité, ont partagé leur amour profond pour cette culture et l'ont fait connaître au plus grand nombre.
Du rejet à la récupération…
Dans les années 90-2000, la culture urbaine était cataloguée : Trop brute, trop politisée, trop jeune, trop violente. Elle était toujours de « Trop ». Mais aujourd’hui, la culture urbaine est entrée dans les moeurs. Il n’y a pas si longtemps, personne n’aurait imaginé porter des sneakers avec un costume-cravate.
Sauf qu'à force d’utiliser ses codes à tout va, on finit par en faire trop. Et le résultat parait moins satisfaisant. Le côté cool et engagé bascule dans le kitch, voire dans le gênant. Beaucoup de marques ont utilisé le rap à des fins « humoristiques ». Le soucis c’est que créativement parlant on ringardise le message : c’est le cas quand on souhaite passer un message sérieux, pour dédramatiser et attirer une cible jeune.
Les directions artistiques les plus marquantes reposent sur une réelle maîtrise du langage visuel, une compréhension des codes urbains, et la légitimité d’une collaboration avec un artiste ancré dans son milieu. Le tout assumé à 100 %, sans filtre ni compromis.
♥ Le cœur de cible ?
Une génération allant de 15-35 ans, en quête de style, de sens… et surtout d’authenticité. Ce sont les consommateurs d’aujourd’hui et de demain. Ils n’achètent plus, ils s’engagent. Et certaines marques ont capté le message : Oasis qui fait incarner JUL en mangue dans ses pubs, Sucre Daddy qui voit la vie en rose avec Pink Daddy en dandy, ou Just Eat qui mise sur le flow de Snoop Dog pour sublimer l’expérience de la livraison et ouvrir l’appétit dès les premières notes.
Authenticité, vibes et culture pop : le combo qui fait mouche.
Utiliser les codes de la culture urbaine, ce n’est pas forcement de l’appropriation culturelle. Même si aujourd’hui, chaque sujet pose une polémique, tout est sensible. Il n’en reste que c’est une culture populaire donc accessible.
Le vrai défi est de respecter les codes sans les vider de tout leur sens. Les utiliser à juste dose, avec justesse.
Quand le message est bien construit, dans un ton juste et adapté. Il parle à toute une génération, sans trahir son ADN. C’est à se moment là que la culture urbaine devient un levier puissant, pas juste une esthétique plaquée. Elle raconte, elle relie, elle engage.
Bref, elle ne décore pas, elle incarne.
Des codes puissants, visuels et sonores
Soyons cash, le succès de la culture urbaine dans le milieu de la com repose sur le fait qu’elle parle FORT, VRAI & VITE.
Ces trois piliers sont devenus indispensables dans notre environnement où l'efficacité doit s'allier à la pertinence.
La culture urbaine ne se contente pas d'imposer un message, mais déploie tout un arsenal visuel puissant, temps dans l'esthétique des années 90, véritable madeleine de Proust pour beaucoup d'entre nous : effets glitch, montages dynamiques, textures brutes, typographies audacieuses et palettes de couleurs saturées qui attirent l'attention.
Dans la musique, elle s'identifie avec avec les rythmes : parfois avec du sampling, qui réinvente l’existant. Mais surtout avec le beat et le flow , qui structurent le message et garantit l'impact. Cette approche exploite habilement les mécanismes cognitifs en créant une connexion immédiate avec l'audience, faisant appel autant à la nostalgie qu'à la recherche de l'authenticité qui se caractérise face aux attentes émergentes en 2025.
✎ Pour ma part, j'intègre quotidiennement cette influence dans mes projets. Qu'il s'agisse de jouer avec la musique pour structurer un message, d'exploiter des effets visuels, ou même d'imprégner l'ensemble de la direction artistique lorsque le contexte s'y prête. Ces codes enrichissent systématiquement ma démarche créative. C’est une véritable approche qui combine efficacité narrative et impact émotionnel, permettant de créer des connexions authentiques avec l’audience.
Une culture porteuse de message fort
Car elle à toujours été porteuse de sens :
→ Représenter ceux qu’on ne montre jamais
→ Défier les normes esthétiques dominantes
→ Revendiquer une identité
Les marques reviennent à la rue
Si des entreprises comme Just Eat ou des marques comme Oasis ont une notoriété bien ancré, elles nécessitent désormais des ambassadeurs pour appuyer leur message, des collaborateurs pour commercialiser efficacement leurs produits. Ils sont identifiés comme des "leaders d'opinion". Ainsi une marque résonnera plus authentiquement, proche avec leur public. Aujourd'hui, toutes les marques convoitent une collaboration avec un rappeur, À l'image des sneakers désormais acceptées dans les clubs sélects, les rappeurs sont maintenant activement courtisés par les maisons de luxe.
Cependant ces alliances démontrent aussi qu’elles peuvent s'avérer tantôt brillamment réussies (Oasis vs Jul) , tantôt profondément inadaptées(Ibis vs Lomepal).
L'authenticité avant tout
Lorsqu'on intègre la culture urbaine à une stratégie de communication, qu'elle soit publicitaire, institutionnelle, orientée ressources humaines ou déployée en brand content, l'objectif transcende largement la simple quête d'une esthétique tendance.
L'ambition réside dans la mise en oeuvre d’un dialogue authentique, une communication réel qui résonne avec l’audience, qui brise les codes conventionnels du discours corporate pour établir une connexion directe, sans filtre. C'est précisément cette authenticité, cette capacité à délivrer un message franc dans un paysage médiatique saturé de communications formatées, qui donne à la culture urbaine sa force révolutionnaire dans l'écosystème de la communication actuelle. Elle brise les barrières, transformant de simples messages en véritables expériences culturelles qui résonnent bien au-delà de leur diffusion initiale.
Et nous, créatifs, on fait quoi avec ça ?
→ On observe, on apprend, on s’inspire.
La culture urbaine est en perpétuelle évolution. Il faut suivre attentivement les métamorphoses, et comprendre les mécanismes profonds et les codes qui en découlent. Cette observation active nous permet de saisir non seulement ses expressions superficielles, mais aussi les courants de fond qui l'animent.
→ On crée en respectant les codes, pas en les copiant.
Comme toute forme d'expression artistique, la culture urbaine nous invite à l'inspiration, non au plagiat. Notre valeur ajoutée réside dans notre capacité à assimiler ces codes, à les réinterpréter et à les enrichir de notre propre sensibilité créative. L'objectif n'est pas de reproduire, mais de dialoguer avec ces influences pour créer quelque chose d'unique et d'authentique.
→ Si on veut crédibiliser son message avec tact
La collaboration s'impose comme une évidence : artistes, danseurs, rappeurs, directeurs artistiques issus de cet univers. Ces partenariats créent non seulement des synergies créatives puissantes, mais garantissent également le respect et la justesse dans l'utilisation de ces codes culturels.
Et puis... en 2025 ... L'IA bouscule, encore et toujours, notre façon de faire
Comme un tout nouveau terrain de jeu pour les artistes urbains eux-mêmes. MC Solaar, Snoop Dogg… n’ont pas attendu que les marques s’emparent du process: ils ont testé, joué avec, sorti des clips créés avec l’intelligence artificielle.
Résultat ? Les univers et les images repoussent un peu plus les codes habituels de la culture urbaine. Encore une fois elle est novatrice et montre qu'avec peu de moyen on peut faire de grandes choses.
C’est bluffant, parfois dérangeant, mais surtout révélateur : même dans un milieu ultra incarné, l’IA trouve sa place. Et forcément, en com, ça commence à faire tilt.
Et vous ? Comment percevez vous la culture urbaine dans la com ?
Si vous souhaitez que je pousse encore plus le sujet n’hésitez pas à m’envoyer un message.
